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Patapon le nécromant vous parle

Ce blog prendra plusieurs formes. Il sera parfois absurde, parfois horrifique et parfois juste calme. Vous trouverez ici des nouvelles, des règles de jeu et le partage de quelques découvertes. J'utilise des images pour étayer mon propos mais celles-ci ne m’appartiennent nullement. Je les ferai disparaître à la première demande de leur propriétaire.

Tout pris

Publié le 10 Mars 2016 par Patapon in Nouvelle

_ "Pourquoi tu es là, toi ?"

Un homme sec et couverts de tatouages cracha ces quelques mots à travers une bouche édentée.

_"Parce que je suis coupable."

Sid était assis sur une couchette, l'homme sec qui se faisait surnommer "Choc" pausa son bras droit sur la banquette du dessus et sourit. Un sourire rose et marron d'incisives cassées ou absentes se dessina sur son visage.

_"Tu me fais rire le nouveau, on est tous coupable ici, alors tu vas m'dire pourquoi qu'tes là."

_"J'ai aligné un type, à l'heure qu'il est ses enfants doivent se battre sur sa dépouille pour ramasser le moindre dollar de sa fortune."

_"C'est toi qu'a buté le père Dodge".

Sid regarda Choc dans les yeux, et d'un air plein de dédain lui dit :

_"Je suis étonné que tu saches qui il est."

Choc ne remarqua pas le sarcasme dans les mots de Sid. Choc avait soudain un certain respect pour le nouveau venu dans sa cellule.

_"Ch'ais pas trop qu'il est. On parle que d'ça à la télé, c'est tout."

_"C'est normal les médias lui appartenaient. Forcément ils viennent de perdre leur patron."

_"Comment qu'ta fais pour lui faire la peau ?"

_"J'ai acheté autant de flingue que j'ai pu, et j'ai tiré jusqu'à ce que j'arrive à lui... Une fois devant lui, je lui ai tiré 5 balles dans le torse 2 dans la tête et 1 dans l'épaule gauche. Enfin, d'après le rapport du légiste."

_"T'es une sort de super commando d'la mort ou quoi ?"

_"Non juste un type décidé et en colère."

Dans la cellule les rôles s'étaient inversés, Choc s'était accroupi par terre et buvait les paroles de Sid.

_"'Tain il a dû sacrément te vénère, ça a du te coûter une couille, rien qu'en balles ?"

L'étrange sens des priorités de Choc fit rire Sid.

_"Tu m'étonnes, je me suis endetté pour 10 ans, mais si c'était à refaire, je le referai."

_"Qu'est-ce qu'il a fait ce bâtard ?"

Le fait que Choc traita de bâtard un membre de l'aristocratie mondiale amusa Sid. Les efforts de ces gens pour ne pas se mélanger étaient tellement grands que cette simple insulte suffisait à balayer des générations de mensonge sur le sang pur.

_"C'est long, au début je bossais pour une grande marque de supermarché, j'étais chef du rayon vaisselle. Je gagnais pas mal ma vie mais la semaine de 60 heures a fini par m'achever. Sur le coup de la fatigue j'ai enchaîné maladies et faiblesses. Tout ça m'a mené vers la dépression. J'ai dû m'arrêter plusieurs mois, quand je suis revenu j'avais été remplacé et après trois mois de harcèlement j'ai fini par quitter mon boulot après une tentative de suicide. J'ai tenté d'en retrouver un autre mais j'ai galéré, je ne trouvais même pas de petits boulots et j'avais 3 enfants et ma femme ne gagnait qu'un revenu minimum. J'ai essayé de lutter contre ma dépression et au début j'avais le soutien de ma femme. Au bout de deux ans, je n'ai plus touché un rond. Ma femme et moi avons essayé de nous retourner contre mon ancien employeur, mais ce fut sans effet. Et quand on est en galère, tu le sais aussi bien que moi, les merdes s’enchaînent. Ma fille cadette fut percutée par une bagnole. Elle est toujours dans le coma. Je ne peux même pas en vouloir au chauffeur, c'était un défaut des freins, ils sont commandés électroniquement, mais il arrive que, parfois la commande puisse avoir quelques secondes de retard. C'est ce qui est arrivé ce jour-là. Je me suis rapproché d'association de consommateur, pour voir ce que je pouvais faire. Ils m'ont dit que ça faisait 2 ans qu'ils étaient en procès avec le constructeur sur ce point, ils ont pris mon témoignage et m'ont fait part de leur soutien, rien de plus. J'ai appris que le constructeur était au courant du défaut, mais l'affaire avait été étouffée, les actionnaires ont fait un chantage à la délocalisation et ont fait durer le procès. Je crois qu'il n'est toujours pas terminé.

Choc devint compatissant :

_"Ah les merdes quand ça vient, ça fait pas semblant."

_"Tu l'as dit, mais ce n'est pas fini, suite à cet accident, j'ai refait une tentative de suicide. L'hospitalisation de ma fille et la mienne nous a couté tellement cher que le salaire de ma femme n'a pas suffi. Tu peux imaginer que notre relation de couple s'en est ressentie. Elle est partie avec les deux gosses. Mais je sais qu'elle a craqué à son tour et qu'elle s'est fait viré du resto ou elle est serveuse. Notre fils ainé s'est fait choppé par la police, à 8 ans, il se fait du pognon en transportant de la drogue."

Choc eu un éclair de génie :

_"Mais le rapport avec le bâtard ?"

_"Le supermarché ou je bossais, la constructeur de bagnole, la chaine de restaurant où travaillait ma femme, tout lui appartenait. Mais attend ça va plus loin, on a essayé d'appeler les journalistes, mais tous les médias influents lui appartiennent aussi, télé, radio, journaux. Quand on se plaint aux autorités, ils font tous patienter, le juge qui s'occupe de l'affaire de la bagnole a été débouté parce qu'on sait qu'il passait des vacances avec le cousin de Dodge. On n’a pas pu se plaindre aux médias, ni aux autorités. Après mon divorce j'ai rencontré d'autre personnes qui partageaient mon problème, on a essayé de contacter des syndicats et de monter une manif'. Mais en deux semaines la BAC nous tombait dessus et nous faisait passer un interrogatoire en règle, avec intimidation et fouille rectale. Ils soupçonnaient l'un d'entre nous d'entretenir des relations avec des réseaux islamistes. Notre groupe s'est disloqué après ça... J'ai réfléchit à ce que je pouvais faire. On nous avait supprimé nos boulots, nos familles, nos biens, nos possibilités d'expressions et d'actions. Il fallait qu'on reste là, à crever. J'ai monté des dossiers de crédits à la consommation, ça a marché. Avec ça je me suis acheté des flingues et des drogues. J'ai attendu une occasion, et le nez plein de cocaïne coupée au verre pilé j'ai défouraillé dans le tas... C'était le dernier moyen d'action qui me restait..."

Choc pris un air amusé :

_"T'es pas prêt de sortir toi."

Un bruit métallique se fit entendre contre la porte et le judas s'ouvrit en grand. Un gardien sévère était derrière.

_"Détenu 127, je sais pas si t'es au courant, mais la famille Dodge est en train de racheter des complexes pénitenciers."

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