Les cycles de jours et de nuits n'existent pas au fond du Pic. Les rayons du soleil ne percent jamais le plafond de terre. C'est le Chant qui régule les différents cycles de vie. Comme toute œuvre musicale, le Chant suit le temps qui passe et lui donne un rythme.
La journée de Commodore est terminée, elle défait ses boutons de manchette et pose sa veste sur le dossier d'une chaise. Sa chambre est spartiate et peu éclairée. A quelques pas de son lit on trouve un évier, un miroir le surplombe. Commodore est penchée au-dessus de l’évier, elle regarde, dans l’image que la glace lui renvoi, le blanc de ses yeux et y compte chacun des vaisseaux. Tout en elle est blanc, sauf ses yeux et ses cheveux. Sa chemise entrouverte est blanche comme neige, sa peau est laiteuse, ses cheveux coupés au carré sont d’un noir profond, comme si une nuit sans étoile tombait en cascade sur ses épaules musclées. Mais ses yeux, ses yeux noirs comme ceux des corbeaux, on ne différencie pas la pupille de l'iris. Ses yeux sont injectés de sang, plus les jours passent et plus elle a l'impression que les vaisseaux se multiplient. Elle se dit que c'est peut être normal, après tout, l'uniforme des geôlières est rouge et noir.
Toujours plongée dans le regard de son reflet, Commodore se remémore sa journée. Elle doit bientôt partir pour un sommeil sans rêve, alors elle doit s'assurer qu'elle n'a rien oublié. Elle a commencé sa journée par la revue des troupes. Elle ne le montre pas, mais elle est fière d’elles. Elles sont obéissantes et loyales, elle sait qu'elles sont prêtes à se sacrifier si nécessaire. Après la revue, elle a participé à l'entrainement physique. Il s'agissait ce matin de la maîtrise du tonfa. Elle préfère l'épée mais elle se plie à tous les entraînements qu'elle peut, elle doit être prête à tout. L’entrainement terminé, la réunion quotidienne peut commencer. Elle partage avec ses officiers les demandes et remarques ainsi qu’un repas simple.
La visite des geôles suit le repas. Il arrive à Commodore de participer à des interrogatoires. Quand elle ressort des geôles elle se dirige vers les archives et va voir Reine. Elle lui fait part des besoins des geôlières et discute longuement avec Reine. Commodore est partagée, elle ne sait pas si elle doit avoir peur ou vénérer Reine, mais ça fait longtemps que ses émotions ne guident plus son cœur. Reine lui donne souvent des missions sur le ton de la suggestion. Mais on sait tous ce que valent les suggestions de Reine. Alors elle obéi et fait les choses elle-même. Généralement, la fin de la journée, elle l'a passé à interroger des renégats ou des créatures ennemies capturées par les gardiens.
Que cette fin de journée est éprouvante. C'est une lutte de volonté, de manipulation psychologique et parfois de violence physique. Elle connait tous les instruments de tourments. Elle n'en est pas fière, mais, comme ses émotions, elle a recouvert les cendres de sa fierté d'un tapis de devoir.